Article & Revue 



En Trans-parence(s)
Textes : Gaya Goldcymer
A l’occasion de l’exposition personnelle : Eclipse de chambre (février 2022)

(fr)



De Taïwan, Kaï-Chun Chang, à Paris depuis 2014, a emporté avec lui la transparence, le flottement, le vaporeux et la lumière.

Mais aussi le reflet. Celui du miroitement de l’eau, celui de la vibration de l’air, celui d’un rai de soleil, à peine entrevu et qui met l’artiste en désir de capturer ces reflets : ses lumières.

En légèreté, mais avec une intensité faites de silences et de suspens, de murmures et de hors-temps, il fait émerger des opalescentes à peine colorées, teintées en grande délicatesse et toutes en nuances irisées.

D'un geste à l'autre dans une inlassable répétition, là où le même devient autre, Kaï-Chun Chang superpose des strates à peine existantes, à peine repérables, à peine visibles au premier regard. Ce faisant, par la mise en action de cette répétition, il joue avec le visible et l'invisible, la présence et l'absence, et fait apparaître ce qui est là sans l’être : la Lumière.

Ainsi, lentement, comme la chimie le fait de la surface argentique, il révèle la dimension cachée d’un phénomène toujours-encore énigmatique, d'un phénomène qui advient comme une épiphanie.

Alors, d'une surface à l’autre, d’un support à l’autre, l’artiste passe de la toile à la photo, de la photo à la peinture, dans un projet logique en mouvement perpétuel et dans un questionnement sans fin : comment saisir l’insaisissable.

C'est dans ce paysage, dans ce creuset de l'entre-deux que le geste de l'artiste prend forme et fait sens. C’est par ce geste qu’il pose son rapport intime à la fluidité et qu'il marque la singularité de sa quête et de sa capture d'une autre temporalité dans ses variations.
Temporalité de l’attente et de l’observation, temporalité de la méditation et de le contemplation, autant que celui de la ré-flexion produisant un point d’équilibre, un point d’adéquation entre la pensée et le reflet : entre l’immatériel et l’immatériel.

Dans un pari fou, l'artiste matérialise des rythmes subtils et diffus, et nous fait entendre des atmosphériques en lévitation en lien avec Mark Rothko et James Turrell.
Et, dans ce presque rien translucide et essentiel, comme en écho au Sublime de Barnett Newman, à son tour,  Kaï-Chun Chang affirme que le peintre était bien là avant le philosophe.