Article & Revue


Absent de Paris


Texte : Henri Guette


(fr)

Je ne saurais pas si tu es venu.e. Je l’imagine, je le présume, je te laisse la porte ouverte. J’aimerais te dire de faire comme chez toi en mon absence, mais précisément en le disant je ne ferais que souligner une distance. Il me faut te laisser trouver tes marques. Je sais que ta curiosité te portera tout d’abord vers les livres, ceux que je laisse derrière moi, lus ou non, aimés pour la plupart. Bibliothèque de circonstances ou plutôt des hasards de ces derniers mois.

Quand je suis arrivé dans cette chambre, elle était déjà meublée. Une affiche dans le couloir semblait encore parler pour quelqu’un. Je l’ai donné à mon tour à quelqu’un mais cela m’a pris quelques semaines avant de pouvoir à mon tour accrocher quelque chose. Je ne laisse pas les murs vides.

On ne peut être à deux endroits à la fois et pourtant, j’ai le sentiment en laissant derrière moi toutes ces choses d’avoir laissé ici quelque chose de moi. Je sais déjà au loin, que je regretterais de ne plus avoir accès à certains tiroirs, à certaines boîtes. Il se trouvera un moment où je voudrais relire une lettre, retrouver une photo et où je ne pourrais compter que sur ma mémoire, un fantasme d’écrit et d’image.

D’un appartement l’autre, des souvenirs reviennent. Les moments où je regardais le plafond avant de trouver le sommeil, l’inspiration. C’était toujours dans le lit que j’écrivais et il m’a fallu du temps avant de prendre un bureau.

J’essaie de t’imaginer t’approprier la vue. Drôle d’exercice. Quand tu seras assis.e, tu trouveras ce recueil de poèmes que j’ai écrit. L’histoire d’une relation longue distance, de cinq heures de décalages et des nuits qui peuvent s’installer entre deux personnes qui s’aiment. Une intimité que tu ne t’attendais peut-être pas à trouver, une expérience plutôt commune pourtant de l’amour aujourd’hui.

Je n’arrive pas à quitter une pièce sans avoir un regard derrière moi. Assis à une chaise ou allongé sur une banquette pendant quelques heures, c’est la crainte d’avoir oublié quelque chose, d’avoir laissé glisser un objet de ma poche. Mais peut-être plus encore celle d’y avoir laissé un peu de moi.

Je ne saurais pas ce que tu retiendras de tout cela, et je n’ose pas te demander de me le dire, peut-être alors une lettre.